Polarniks, Météorologues, Pilotes, Techniciens… Une vie dans l’Arctique
L’aventure commence en 1937 lorsque le russe Ivan Papanine tente de rejoindre le Pôle Nord géographique en avion pour entamer, ensuite, une longue dérive sur la banquise. Avec ses trois équipiers il manquera le Pôle de quelques kilomètres mais leur dérive sera un immense succès puisque les quatre hommes dériveront pendant 274 jours avant d’être récupérés par un brise glace au large du Groenland.
Cette expédition ouvre une voie nouvelle que les russes exploreront comme aucune autre nation au monde : celle de l’exploration systématique du bassin Arctique et des régions qui l’entourent grâce à l’utilisation à grande échelle de moyens aériens et de la technique des stations dérivantes, ces bases installées sur la banquise et « abandonnées » à leur sort au grés de la dérive. Ainsi, de 1937 à 1988, trente et une stations (les « SP » en russe pour « Severny Polus ») seront montées. La dernière de l’ère soviétique, la SP 31 sera évacuée le 25 juillet 1991. L’Union Soviétique a disparu et dans le contexte post-soviétique tous les financements scientifiques et militaires sont suspendus. L’aventure des « SP » prend fin.
Cette aventure unique dans l’histoire de l’exploration polaire reprendra en 1995 lorsqu’une équipe d’aventuriers français imagine relancer une base dérivante (à des fins touristiques cette fois) en s’appuyant sur la base logistique de Khatanga, une ville perdue au fin fond de l’Arctique sibérien.
J’ai eu la chance de participer à la renaissance des bases dérivantes et de partager le quotidien de celles et de ceux que les russes appellent les « Polarniks », ces pilotes, techniciens, scientifiques, météorologues qui, dans la grande tradition de l’exploration de l’Arctique, ont dévoué (c’est bien le mot) leur vie à ces régions.
Dans un triangle allant de Norilsk à Khatanga et jusqu’au Pôle Nord géographique ils rendent possible les activités humaines dans ces régions inaccessibles sinon par voie maritime moins de deux mois par an durant le court été polaire. Hors cette courte période de répit qu’offre aux hommes la nature extrême sous ces hautes latitudes, l’aviation est le seul lien qui rattache les populations de l’Arctique au reste de la communauté des hommes.
Ils sont techniciens aéronautiques, contrôleurs aériens, mécaniciens, météorologues, géologues, pilotes, co-pilotes ou militaires… leurs femmes qui les accompagnent, quand elles ne sont pas elles-mêmes météorologues assurent la cuisine et l’éducation des enfants quand ceux-là, malgré les conditions extrêmement rudes et l’isolement, accompagnent leurs parents dans l’aventure.
Cette galerie d’image est une petite fenêtre ouverte sur leur vie. Après avoir été sur le déclin, le Nord redevient une région hautement stratégique et des bases que l’on pensaient condamnées voient leurs effectifs renforcés. Pour autant, c’est une nouvelle page de l’histoire polaire qui s’ouvre. Plus rationnelle, plus efficace, moins romantique. Une partie de l’âme des Polarniks, palpable à chaque instant dans les regards, les mots, les attitudes, les chants… fait désormais partie de l’Histoire.
Localisation
Taymyrsky Dolgano-Nenetsky District, Krasnoyarsk Krai, Russie
Nicolas Mingasson
Photographe et auteur, j'aime, depuis toujours, partager et photographier la vie des hommes et des femmes plongés, par choix ou contraintes, dans des situations exceptionnelles. J'ai croisé leurs chemins en Bosnie pendant le conflit qui ravagea le pays entre 1992 et 199...
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