Observatoire Photographique des Pôles

Du 19 août au 17 octobre 1997, notre équipe a effectué une mission en Basse Kolyma, dans des lieux déjà visités en 1991 et 1993. Cela nous a permis de retrouver des personnes connues et heureuses de nous voir revenir chez eux, comme des amis. Nous étions quatre, Boris Chichlo, ethnologue, Christian Malet médecin-anthropologue, Olga Grigorieva mon interprète yakoute, et moi-même. Chacun ayant son sujet d’étude personnel comportant des recoupements avec ceux des autres. Pour ma part, je continuais mes recherches sur les thématiques concernant les femmes et la famille, ainsi que sur l’alimentation et les pratiques médicales traditionnelles.

Notre expédition à l’embouchure de la Kolyma n’a pas été facile en raison du climat, naturellement, mais aussi des grandes difficultés économiques dans lesquelles cette région était alors plongée : manque de transports, de communications, salaires impayés, grèves, désorganisation des circuits économiques et commerciaux et multiples tracasseries administratives.

Notre séjour s’est déroulé dans différents types de lieux : la ville de Tcherski et son port sur la Kolyma, Zelyony Mys les villages multiethniques de Kolymskoie et d’Andriouchkino et, enfin, les camps de pêche de Chalaourovo et d’éleveurs de rennes de Krasnouchka, où, pour ces derniers, nous étions reçus par la famille Noutendli-Kiemlil, Tchouktches de l’embouchure de la Kolyma. La richesse des informations obtenues tenait essentiellement à leur intérêt particulier. En effet, cette région est un point de rencontre d’ethnies et de cultures diverses, youkaghire, évène, tchouktche, yakoute et russe, qui se sont mêlées tout en s’efforçant de conserver leurs spécificités. La moisson de données recueillies a aussi tenu à l’exceptionnelle hospitalité et à la coopération des habitants qui nous ont ouvert leurs portes et livré une partie de leur savoir.

Parmi les moments les plus marquants que j’ai partagés avec les populations locales, je citerai toutes les activités liées à l’élevage du renne en cette saison : castration de certains sujets, soins prodigués aux malades, notamment sur leurs sabots, coupe des bois des mâles pour éviter qu’ils se blessent pendant leurs affrontements à la période du rut, et encore les préparatifs entourant le corral d’automne. Ce corral d’automne correspond au grand rassemblement du troupeau pour le comptage des rennes et l’abattage de certains animaux.

Du côté de la pêche, j’ai été frappée par l’abondance et la diversité des espèces de poissons pris dans la Kolyma. Les pêcheurs de Chalaourovo vivent en étroite relation avec les éleveurs de rennes de Krasnouchka, dont ils sont parents.

Enfin, je mentionnerai une scène qui m’a personnellement beaucoup touchée, celle de l’invitation d’une femme tchouktche du village de Kolymskoie, Anna Mornatkina, à être son hôte de marque pour rendre visite au cimetière à sa fille décédée et y accomplir tous les rites associés à cette cérémonie : ‘’nourrir’’ le feu, ‘’nourrir’’ la morte et me nourrir avec les autres convives, en communion avec la personne décédée. Une scène d’une telle intensité ne peut pas s’oublier.

Trajet et lieux visités au nord-est de la Yakoutie (district de Nishnekolymski) :

Moscou, Yakoutsk, Tcherski et son port Zelyony Mys sur la Kolyma, Chalaourovo (camp de pêche), Jubileini (camp d’éleveurs de rennes nomades tchouktches), Krasnouchka (base des éleveurs), Kolymskoie (et Tchaïgourgina et autres campements nomades dans la toundra), Andriouchkino, Yakoutsk, Moscou, St Petersbourg