Groenland 2007 : ultime mission de terrain
2007 est l’année de ma dernière mission en terrain arctique. Je termine ainsi 40 années de missions anthropologiques, là où j’avais commencé, à Ammassalik. Après un séjour à l’est du Groenland, j’ai rejoint la capitale du pays, Nuuk, sur la côte ouest, invitée par mes collègues groenlandais et danois, membres de l’université locale, à présenter le bilan de mes recherches sur le long terme.
Les plus petits villages de la côte orientale n’avaient presque pas changé, notamment Tiderida, toujours partagé entre les activités de chasse et de pêche, mais souffrant de pauvreté et quasi vidé de sa population jeune, celle-ci ayant rejoint la ville de Tasiilaq. Le contraste était fort en regard de la capitale locale devenue très citadine et très étendue, avec ses quartiers neufs construits vers l’intérieur du fjord, ses vastes magasins, salles de sport, cybercafés, etc.
Le village de Sermiligaq, pour sa part, s’était modernisé : bateaux hors bord, maisons équipées de mobilier européen, congélateurs, téléphones portables, tout en restant tourné vers les activités traditionnelles. Ce village paraissait en bonne harmonie avec les deux univers, moderne et traditionnel.
Encore, je suis retournée à Ikateq, village abandonné ne servant plus que d’habitat temporaire. Comme tous les autres petits hameaux autrefois très actifs, il avait été délaissé par la population, soit naturellement, soit sous la pression de l’administration.
Un grand nombre de mes anciens amis informateurs avaient disparu, mais leurs descendants que j’avais connus autrefois enfants ou adolescents m’ont accueillie avec la grande gentillesse et la générosité inhérentes à leur culture.
Pour cette région, les perspectives de développement économique reposent essentiellement sur le tourisme, qui se développe rapidement. L’usine de traitement partiel des peaux de phoques fournit quelques emplois. Les peaux y sont dégraissées et congelées. La fin du traitement a lieu au sud du Groenland. Cette usine est destinée à encourager la chasse qui a subi beaucoup d’aléas avec l’interdiction européenne d’importation des produits dérivés du phoque. Autre source de revenu, le service philatélique qui a été créé dans cette région et contribue à l’emploi de jeunes gens. Enfin, l’atelier d’artisanat permet aux sculpteurs, pour ce qui est des hommes, et aux couturières, travailleuses de peaux, pour les femmes, de continuer à exploiter leur savoir-faire sur les matériaux traditionnels : os, ivoire, cuir, fourrure, et de tirer quelques revenus de la vente de ces produits de l’artisanat.
En 2007, le réchauffement climatique, déjà observé dans cette région depuis plusieurs années, s’est intensifié et pose de nouveaux problèmes évoqués par différents acteurs de la vie économique : les chasseurs notamment doivent adapter leurs trajets en traîneaux ; les dates de migration du gibier évoluent ; de nouvelles ressources apparaissent éventuellement, en particulier parmi les poissons. Tout demande une certaine adaptation et de nouveaux défis sont lancés à la population est-groenlandaise.
Localités visitées pendant la mission :
- Ammassalik (ou Angmagssalik) et Itimiin, aujourd’hui Tasiilaq, municipalité de Sermersooq
- Kap Dan (ou Kulusuk), aujourd’hui Kulusuk
- Ikatek (ou Ikateq), Ikkatteq, village abandonné
- Tiderida (ou Tileqilaq ou Tiniteqilaq), aujourd’hui Tiilerilaaq
- Sermiligak, aujourd’hui Sermiligaaq
- Nuuk (côte ouest), capitale du Groenland, municipalité de Sermersooq
Localisation
Ammassalik, Sermersooq, Groenland
Joëlle Robert-Lamblin
Joëlle Robert-Lamblin, anthropologue, Docteur d'Etat ès Lettres et Directeur de recherche honoraire au CNRS, a fait ses études à Paris dans les domaines de la sociologie et du droit. Au début des années soixante, de l'enseignement de l’ethnologie dispensé au Musée de l'...
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