Déjà. Oui. Car je réalise en buvant mon thé que nous sommes le 23 février. Merde ! C’est je jour de la fête de l’Armée. Praznik ! La fête. Dny nedelyi ! Jour anniversaire. Merde bis (désolé pour les enfants qui me lisent) ! Ça va être grave aujourd’hui !
Et ce fut dur. Je ne sais pas combien :
a) de verres j’ai refusés pour ne pas me laisser embarquer.
b) combien de bouteilles ont été bues.
Comme me disait Elia (un autre, pas le fils d’Igor chez qui je suis en ce moment) quand il était encore clair : « En Russie quand on boit, on boit, et quand on travaille, on travaille ! Et aujourd’hui c’est la fête, alors on boit ». Disons qu’il a tenu promesse. Je lève les yeux de mon clavier pour voir où il est. Assis, ça va. Il y a une heure il était affalé par terre dans la Tchoum (la tente traditionnelle Nenets qui ressemble beaucoup à un tipi indien mais avec des peaux de rennes et de la grosse toile).
Je ne suis pas là pour vous rédiger un catalogue de voyage. Alors oui, les jours où ils boivent sont terribles. Du matin au soir, verre sur verre. Se relever pour se resservir difficilement un verre, ne pas arriver à verser dans son verre… Tenter de se lever mais ne pas y arriver, alors avancer à quatre pattes… Et continuer encore et encore…
Oui, j’ai eu autour de moi aujourd’hui des épaves. Des hommes incapables de tenir assis. Elia s’est affalé de nouveau par terre avec Igor dans les bras. Des hommes incapables de parler et continuer à boire. Tout ça dans la plus grande normalité… Elia (le fils d’Igor) qui fût alcoolique et qui ne boit plus aujourd’hui servait consciencieusement tous ceux qui lui demandaient un verre et qui ne pouvaient pas se servir.
La Russie c’est ça, aussi, oui ! Mais ça n’est pas que ça. Trop facile de chercher dans la Russie les ravages de l’alcool, les ravages écologiques, les ravages du système soviétique. Ils existent mais à côté d’hommes et de femmes formidables, de savoir-faire uniques, de cœurs grands comme ça. Et c’est tout ce que je vous raconte depuis que je suis parti et que je vais continuer à vous faire découvrir.
Et puis chez nous non plus ce n’est pas parfait : ils ont Norilsk, cauchemar écologique mais combien d’années avons-nous mis à réagir au problème de l’amiante. Ils ont réalisé des essais atomiques aériens ; il me semble que nous n’avons pas à nous enorgueillir de nos essais dans le Sahara, etc.
Bref, je ne vous rapporte pas cette journée pour que vous là, vous les jugiez. J’ai hésité à la raconter mais voilà, je ne suis pas là pour raconter un Nord exotique, un Nord de catalogue touristique…