J41 – Les gardes-frontières, passage obligé

mardi 4 mars 2008

Les périodes d’attente dans le Nord sont toujours assez longues. J’y suis. Entre la météo qui sait se faire capricieuse et les autorisations nécessaires pour se rendre dans le moindre coin de toundra, il faut savoir attendre. Le temps, ici, s’impose à nous de plein de façons. Dont les façons administratives…

Depuis que je suis dans la région de Nar Yan Mar, j’ai déjà obtenu deux permis, en plus du permis général, pour voyager dans l’ensemble de la région. Un pour chaque brigade dans lesquelles je me suis rendu. Ces permis sont délivrés par les « gardes-frontières ». Et je suis actuellement dans l’attente d’un troisième permis pour aller sur le terminal pétrolier de Varendey sur la côte de la mer Barents.

Parallèlement, je suis dans la dernière ligne droite pour les permis concernant les prochaines régions où je vais me rendre : la péninsule de Yamal, la péninsule de Taïmyr, très au Nord et l’immense complexe industriel de Norilsk.

Pourquoi tous ces permis ? Nous sommes en fait les « otages » de l’Histoire. Toutes les régions frontalières du Grand Nord ont été fermées après la Seconde Guerre mondiale dès lors que les États-Unis et l’Union soviétique se sont affrontés. C’est en effet par le Nord que l’ennemi américain pouvait arriver. Aussi toute la frontière Arctique a-t-elle été tapissée de bases militaires parfois très importantes. Même à des latitudes aussi élevées que 78 degrés Nord, ces bases pouvaient accueillir plusieurs milliers d’hommes (je vous en reparlerai…).

Cette présence militaire s’est doublée du corps des gardes-frontières. Ces militaires jouissaient d’un prestige immense pendant l’Union soviétique. C’est eux, en effet, qui défendaient les frontières sacrées du pays. A dire vrai, dans certaines régions comme en Tchoukotka par exemple, au niveau du détroit de Béring, les gardes-frontières s’assuraient de rendre les frontières étanches dans les deux sens et passaient le plus clair de leur temps à contrôler que les Tchouktches soviétiques ne se rendent pas de l’autre côté du détroit pour y voir leurs cousins Esquimaux américains. (Avant la Seconde Guerre mondiale les échanges entre Tchouktches et Esquimaux étaient nombreux et les familles réparties sur les deux rives du détroit de Béring.)

Aujourd’hui encore, le Grand Nord vit partiellement dans cette ancienne logique. D’anciens réflexes. Et les gardes-frontières conservent un vrai prestige. D’anciens réflexes que l’armée, les gardes-frontières eux-mêmes et le FSB (ex-KGB) ne se lassent pas de faire durer. C’est aussi, pour eux, un moyen de garder du pouvoir et de conserver un contrôle sur ces régions. Ils sont d’ailleurs bien aidés dans cette démarche par le pouvoir central à Moscou. On connaît la carrière de Vladimir Poutine, ancien du KGB. On sait toute l’importance qu’il accorde à la renaissance de l’empire russe. Cela passe, aussi, par le renforcement du contrôle sur les régions frontalières, exactement comme au début de la Guerre Froide. Le changement, ces dernières années, a été très clair, visible.

Certains cas sont encore un peu plus compliqués car plus spécifiques encore. Mais le moment n’est pas encore venu de vous en parler… Le temps donc s’impose à nous. Et cela me fait penser à Vassilly, dans la brigade de Sergeï Sobolev. C’était le soir, la nuit était tombée depuis deux bonnes heures déjà. La radio sonnait les six coups de l’heure pleine. Vassilly nous annonce six heures. Non, je lui réponds, il n’est que 5 heures. Vassilly : « 5 heures ? Ohhh, ça va faire encore plus de temps à attendre jusqu’à demain matin. » Mais avec un grand sourire rigolard.

Kraï de Krasnoïarsk, Russie, 648581

Moscou, Russie

Russie

Naryan-Mar, Nénétsie, Russie

Salekhard, Iamalie, Russie

Yar-Sale, Iamalie, Russie

Khatanga, Kraï de Krasnoïarsk, Russie

Russie, 647471

Norilsk, Kraï de Krasnoïarsk, Russie

Observatoire Photographique des Pôles

Observatoire Photographique des Pôles

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