J32 – Petits moyens et grand dépeçage

dimanche 24 février 2008

La fête a continué un peu ce matin, Gerassyn m’expliquant que l’armée avait repoussé Napoléon et Hitler… Je ne suis pas sûr, buvant mon thé matinal et les voyant se servir leurs premières vodkas, que la russification n’a eu que du bon. Je suis même sûr que non.

Je devais rentrer aujourd’hui à Nar Yan Mar pour prendre un vol pour Varendey, terminal gazier sur la côte. Un vol doublement intéressant car il a lieu à l’occasion des élections présidentielles en Russie. Natalya, de l’administration régionale, m’apprend malheureusement que le vol est archi bourré et que je n’aurai finalement pas de place. Les aléas du Nord et de la logistique « petits moyens »… Petits moyens financiers j’entends.

Deux mots à propos de ce vol. A chaque élection, tout un système se met en place dans le Nord pour faire voter ceux qui ne peuvent se rendre dans des villages. Quand les distances ne sont pas trop grandes, l’urne se déplace en bourane. Sinon en hélicoptère, et cela dans les zones les plus reculées y compris dans les bases météo et militaires installées à travers l’océan Arctique. Chers bulletins de vote.

Et pour en finir avec les élections : tout le monde adore Poutine et tout le monde va voter Dmitri Medvedev, le poulain du Président.

L’annulation de ce vol est un sale coup mais ça fait partie du jeu. Et je n’ai de toutes les façons pas les moyens de me payer un vol spécialement pour moi qui me coûterait, au bas mot, dans les quatre mille euros !

Retour demain à Nar Yan Mar avec Elia. Je commence à faire mes calculs… Elia m’a annoncé des tarifs de bourane totalement délirants. C’est un fait, ils sont nombreux à voir dans chaque étranger une source intarissable de revenus. Pour vous donner une idée, les vingt-cinq mille roubles que me demande Elia pour 250 km de bourane correspondent à quatre mois et demi de salaire moyen d’un éleveur de rennes.

Comme chaque jour, la petite partie du troupeau qui sert aux attelages est rassemblée. Je suis fasciné par la « discipline » de leurs rennes. Tout ce passe dans le calme et rapidement. Les rennes entrent directement dans l’enclos. Je me souviens du bazar que c’était chez Sergeï Sobolev de la brigade numéro III.

Nous sommes retournés au troupeau qui est parti plus loin. Une bonne demi-heure en traîneau. Les gars de la brigade en ont attrapé trois. L’un deux avait une infection à l’une des pattes ce qui a semblé beaucoup les affecter. La bête a été tuée sur le champ et dépecée malgré tout. L’une des deux autres a également été tuée pour de la viande tandis que la troisième a été ramenée au campement pour compléter l’attelage d’Elia.

Le retour de cette pauvre bête a été bien pénible. Attachée au traîneau, elle se débattait comme un pauvre diable, se cramponnant tant qu’elle pouvait, tombant tout le temps. Épuisée, elle a fini par s’écrouler. Ne pouvant la relever à coup de pieds dans la croupe ni en lui soulevant les pattes arrière pour l’obliger à se lever, Elia a fini par la tirer. Ici les éleveurs sont très pragmatiques, les conditions de vie sont difficiles et il n’y a vraiment pas de place pour du sentimentalisme. Que je n’ai pas, d’ailleurs. Tous ces rennes n’ont pour eux qu’une raison d’exister : finir à l’usine de viande de Nar Yan Mar et leur fournir un revenu.

Le petit Sasha, quatre ans, fils d’Elia, était avec nous. Il jouait dans la neige pendant que son père courait à travers le troupeau avec son lasso. Le dépeçage d’un renne est déjà naturel pour lui.

Magnifique coucher de soleil ce soir. Le plus beau depuis que je suis ici. Un soleil rougeoyant descend derrière le rideau d’arbres de la forêt.

Je me rends compte en lisant mon carnet de notes que je suis très en retard sur un certain nombre de billets décrivant les activités du camp. Je vous les enverrais dans les jours qui viennent. Il ne me reste que vingt minutes de batterie et je ne peux pas me brancher pour l’instant sur le groupe électrogène de la brigade. Mais un matériel tout neuf et très performant m’arrivera bientôt. Merci à ce propos à mon frère Arnaud qui s’occupe de cette question avec tant d’efficacité et de rapidité. Les marins de la région de Bordeaux peuvent d’ailleurs aller lui soumettre leurs pires problèmes dans son magazin Uship de Bordeaux.

Kraï de Krasnoïarsk, Russie, 648581

Moscou, Russie

Russie

Naryan-Mar, Nénétsie, Russie

Salekhard, Iamalie, Russie

Yar-Sale, Iamalie, Russie

Khatanga, Kraï de Krasnoïarsk, Russie

Russie, 647471

Norilsk, Kraï de Krasnoïarsk, Russie

Observatoire Photographique des Pôles

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