J91 – Ça veut dire quoi «geler» ?

mercredi 23 avril 2008

Deux minutes pour changer de film. Une bonne demi-heure pour remonter un filet. Je me gèle les mains avec le vent qui souffle aujourd’hui sur la Khatanga. Misha et Sergei travaillent stoïques, les mains dans l’eau, arrachant les poissons du filet qu’ils remontent.

Et encore, nous sommes au mois d’avril et il fait chaud. Avec les 10° d’aujourd’hui (— 10, je le précise pour les nouveaux lecteurs, j’espère qu’il y en a), c’est le printemps qui se profile… Assis sur le traîneau qu’il a fini hier, Misha me raconte la pêche en décembre et en janvier, les meilleurs mois de l’année. En janvier, cette année le thermomètre est descendu jusqu’à 50 !

« Il fait noir tout le temps. Il n’y a plus de soleil. On pose notre petit auvent pour nous protéger et on installe une lampe, sinon on ne voit rien. Maintenant, avec les lampes frontales, c’est mieux qu’avant. Pour retrouver les trous dans la glace, on installe de grands panneaux noirs qui se détachent de la neige, tu vois, comme celui qui est resté là-bas. » En fait de grand panneau — je le verrais en retournant à Novorybnoye — un bout de vieille chenille de bourane en caoutchouc.

Et tu fais comment avec les mains ? Tu mets des gants ? « Non, on fait comme maintenant. On travaille toute la journée. On part à six heures le matin et on ne mange rien de la journée. Pas de thermos non plus. Il resterait chaud combien de temps le thé ?! Mais le plus dur c’est le dos. T’as vu comme nous sommes pour remonter les filets : penchés, cassés en deux. Quand on se relève, arghh, ça fait vraiment mal, surtout quand il gèle. »

« Quand il gèle » ! Cette expression, évidemment, ne veut pas dire qu’il gèle vraiment. A part les semaines de la fin juin à la mi-août il peut geler tout le temps ici. « Quand il gèle », ça veut dire qu’il fait froid, vraiment froid, c’est à dire au moins 35 ou 40 ! —20°, ce n’est pas « geler ».

En les regardant travailler, j’essayais d’imaginer Misha et Sergeï, comme d’autres du village, en train de travailler au cœur de la nuit polaire, à peine éclairés par leur lampe à pétrole et leur petite lampe frontale « made in China ». Et je me disais qu’il faudra revenir, absolument, pour documenter tous les aspects de la vie de l’Arctique pendant les différentes saisons.

Car l’Arctique n’est pas seulement en train de vivre des chamboulements climatiques importants. L’Arctique se trouve aussi pris dans un tourbillon de bouleversements économiques et stratégiques qui vont radicalement changer le visage de ses régions. C’est cela aussi qu’il faut documenter. Sur plusieurs années.

Nous rentrons de la pêche au bout de quatre heures environ. Une trentaine de kilos de poisson sur le traîneau. Entre-temps, quelques autres pêcheurs sont descendus sur la Khatanga. Petites taches noires éparses. Au loin, sur les hauteurs de la falaise, se détachent le cimetière, l’école et, plus vers le sud-ouest, le village.

Misha avec les chiens de Sergeï, son voisin de village et collègue de pêche.

 

Sergeï sur la Khatanga entre deux trous.

 

Sergeï.

 

Misha et son neveu Dima venu l’aider.

Kraï de Krasnoïarsk, Russie, 648581

Moscou, Russie

Russie

Naryan-Mar, Nénétsie, Russie

Salekhard, Iamalie, Russie

Yar-Sale, Iamalie, Russie

Khatanga, Kraï de Krasnoïarsk, Russie

Russie, 647471

Norilsk, Kraï de Krasnoïarsk, Russie

Observatoire Photographique des Pôles

Observatoire Photographique des Pôles

Suivez-nous