Khatanga—Norilsk avec l’inévitable Antonov 26. Une heure quarante de vol au son du doux ronronnement des hélices. Des sons que nous avons perdus, comme en train, où le bruit des roues sur les rails est un lointain souvenir. Ils avaient quelque chose de bon, ces longs voyages dans le sud en compartiment ; une espèce de bazar sympathique que l’on retrouve ici dans ce genre de vol.
L’enregistrement est rapide, l’avion est à deux pas de l’aérogare (si on peut l’appeler comme ça) et l’on grimpe à bord avec autant de bagages-cabine que l’on veut. Nous sommes loin des discussions interminables que peut provoquer un sac de trop dans nos aéroports modernes où tout est calibré et contrôlé au millimètre.
Je ne vais apprendre à personne que la Russie est un pays immense. Cela devient extrêmement concret lorsque l’on vole d’une ville voisine à une autre. Khatanga est pour ainsi dire la lointaine banlieue de Norilsk. Mais ce sont 800 kilomètres qui les séparent. Plantées l’une comme l’autre au milieu de nulle part, en pleine toundra, l’avion n’a pratiquement pas décrit un seul virage. Montée vers le ciel, une longue ligne droite, et descente vers Alyckel, l’aéroport de Norilsk.
Norilsk est une ville fermée. Venant de Moscou, vous ne monterez pas dans l’avion sans les documents nécessaires délivrés par le FSB (ex-KGB). A l’arrivée, un agent de la police monte à bord pour contrôler les papiers de tout le monde. Pour les étrangers, une petite formalité supplémentaire oblige à aller récupérer son passeport au poste de l’aéroport.
Le taxi tente de m’arnaquer. Pas de bol je viens d’appeler Sergeï. Violente déflation sur le cours du trajet Alyckel-Norilsk qui passe de 2 000 à 800 roubles.
A Norilsk, je retrouve surtout Sergeï , vieux copain du Pôle Nord et fumeur invétéré de Gitanes. En 1997, Sergeï a accompagné la Française Christine Janin dans une expédition à ski au Pôle Nord géographique. Soixante-trois jours d’efforts pour parcourir les 1 000 kilomètres qui séparent le cap Arktychevskiy du Pôle. Une expédition qui fut particulièrement éprouvante à cause de conditions météorologiques et de dérive épouvantables. Christine Janin fut la première femme à atteindre le Pôle Nord géographique à ski.
Comme un rituel, nos premières soirées avec Sergeï se passent à écouter de la musique et goûter quelques bouteilles de vin. Le problème étant de trouver de bonnes bouteilles pas trop chères, ce qui est quasi impossible.
Comme un rituel, les premières journées sont consacrées à l’organisation des semaines à venir.