Des couples se promènent sur la Pechora gelée, d’autres sortent de la ville pour quelques heures de ski de fond. Un homme déneige le devant de son garage ; il est tombé quelques centimètres de neige cette nuit, une neige étincelante faite de gros flocons. Au loin, à l’occasion, le son d’un bourane pétaradant ou d’un skidoo finlandais faisant hurler son moteur.
A deux pas de la place Lénine, des enfants font du patin à glace et tournent au son d’une musique criarde lancé dans l’air froid de la fin de journée. Un tranquille dimanche d’élections. Je ne vais pas vous faire une analyse politique ; ce n’est pas mon boulot et j’en serais bien incapable. Mais j’ai eu l’occasion de discuter de ces élections avec Alexeï, le prof d’histoire d’Arkangelks qui partage ma chambre à Nar Yan Mar.
J’ai compris en discutant avec lui l’importance de la distance dans la mise en œuvre de la démocratie. Ou pas. Impossible, par exemple, de recevoir à Nar Yan Mar la seule chaîne d’opposition du pays. Impossible, par exemple, de lire à Nar Yan Mar Novaya Gazeta, le journal d’opposition où travaillait Anna Politovskaya. Il n’est tout simplement pas distribué. On n’en trouve que trois ou quatre exemplaires à Arkangelsk, la capitale régionale.
Les éleveurs de rennes, eux, ont voté depuis plusieurs jours déjà. Des urnes ont parcouru tous les recoins du pays : les toundras les plus vastes, les îles de l’Arctique les plus éloignées. En bourane, en hélicoptère, en avion… Parfois, peut-être, y a-t-il eu aussi des loupés. Un des pâtres de la brigade de Sergeï Sobolev m’expliquait que, lors des dernières élections pour le gouverneur de la région, il n’avait pas pu voter. L’urne n’avait jamais atteint leur brigade…