Me voilà enfin tournant le dos à Salekhard. Ce samedi matin seulement puisque hier soir Kirill nous a appelés vers sept heures pour nous dire que la voiture qui devait venir nous chercher n’a pu quitter Yar Salé. Mauvais temps : du vent et aucune visibilité. Je ne peux m’empêcher de faire une moue dubitative quand Pasha m’annonce cette nouvelle en raccrochant ; cette ville m’anesthésie, m’isole complètement du milieu environnant, me fait oublier qu’à quelques kilomètres de ma chambre d’hôtel c’est la toundra à perte de vue, l’Arctique, le « vrai » ai-je envie de dire.
Mais ce matin il fait un temps magnifique et seuls quelques nuages dessinent des ombres sur la neige silencieuse de la toundra. Le taxi file sur cette route le plus souvent parfaitement rectiligne. Le paysage est d’une beauté époustouflante…
Nous rejoignons tout d’abord Aksara, une petite ville de 5 000 habitants environ. Que je ne fais qu’apercevoir de loin ; nous nous arrêtons à l’entrée de la ville, à la station-service, où nous attend une de ces incroyables voitures montées sur d’énormes pneus à basse pression.
Le changement de voiture se fait rapidement. Le temps de charger les sacs et nous partons déjà.
Quelques centaines de mètres, un poste de contrôle et nous descendons sur l’Ob. Une longue route tracée dans la neige longe la rive sud de la rivière. Je regrette les dos d’âne de la route Salekhard-Aksara. Maintenant la route est tellement mauvaise, les ornières tellement grandes que je me cogne plusieurs fois la tête au plafond de la voiture. Regards amusés avec mon compagnon de route qui partage la banquette arrière à chaque fois que nous retombons sur nos c…
Le long de l’Ob, quelques carcasses de bateaux rouillés, certaines totalement défoncées. Une vieille barque en bois me surprend. Depuis combien d’années ces cadavres pourrissent-ils doucement ici, sous les fenêtres éclatées des nombreuses cabanes en bois qui s’accrochent à la rive ?
Dans la voiture, toujours cette même odeur mélangée de tabac russe, d’essence et d’huile. Je passe quelques kilomètres à tenter de trouver les mots pour la décrire mais je n’y arrive pas. Il vous faudra venir ici vous-mêmes pour vous en faire une idée ! A bord, tout le monde est silencieux, les hauts-parleurs crachent de nombreuses chansons sur le Nord, la Taïga…
Le temps passe, le dos souffre un peu parfois. Au loin une tache noire, surmontée d’une épaisse fumée sombre, avance vers nous. Un camion rempli de bois, puis un autre puis encore un autre… Des surprises aussi comme ce panneau totalement incongru signalant un dos d’âne ! Les points de contrôle à chaque village me surprendront eux aussi toujours.
Pendant une bonne heure, le ciel s’est voilé et la visibilité est tombée. La route reste visible mais en l’absence du moindre contraste les ornières sont devenues invisibles. Eh oui, le « vrai » Arctique n’est pas loin de Salekhard…
Arrivée à Yar Salé en fin d’après-midi après quatre heures de route. Kirill m’accueille chez lui. Un assez bel appartement de quatre pièces.
Kirill est marié. Sa femme travaille à l’hôpital. Nastya, leur fille de deux ans et demi, ne veut pas manger ses pilminis (une sorte de raviolis locaux) mais est espiègle comme pas deux, et Pasha, leur fils de onze ans et demi, est sympa comme tout et me fait visiter la ville après avoir bu un café.
Je suis extrêmement surpris par la modernité du village. L’internat, l’hôpital, l’école ou encore l’hôtel et pas mal d’autres immeubles sont flambant neufs. Environ 1 500 habitants vivent à Yar Salé.
Aux infos passent des images de la neige en France…